3.16.2012

Révolte sur carré rouge

J’aurais souhaité être plus futile, mais dans un contexte de marchandisation de l’éducation, le sujet de la mode, marchandisation d’un bien matériel par excellence, me semble peu à propos. Et pourtant, hier, j’ai posé un des gestes modes les plus importants : épingler mon carré rouge. (Un peu tard me diront certains, qu’à cela ne tienne, j’ai fini par m’afficher)

Oui, je dis bien un geste mode, puisque selon la définition, prenons celle du Larousse, qui ne s’éloigne pas tant de celle donné par plusieurs sociologues : « La mode est une manière passagère de se conduire, de penser, considérée comme de bon ton dans un milieu, à un moment donnée » Souvent, le terme mode peut être associé à une signification péjorative, alors qu’ici, bien loin de cette nuance, cette mode du carré rouge témoigne d’un phénomène sociologique bien réel et loin de la superficialité.

Manifestation étudiante dans le centre-ville de Montréal, mardi dernier.
Photo Patrick Sanfaçon, La Presse
Ce qu'il faut voir dans ce mouvement de mode, c'est l'incidence du carré rouge lui-même, de cet accessoire de révolte. Et c'est là que réside toute la force d'une mode, lorsqu'on va plus loin que la simple question de style ou d'esthétisme, pour entrer dans sa dimension politique. À l'instar du mouvement punk des années 80, cette mode du carré rouge est porteuse d’une idéologie, d’un mouvement qui en inspire plus d’un. Les punks avaient comme slogan le « No Future », et dans ce cas précis de marchandisation de l’éducation, cette devise prend un tout autre sens.

Je n'ai jamais eu peur de défendre mes idées, de m'exprimer haut et fort. Et pourtant en épinglant mon carré, j'ai hésité. Hésité, car accrochant ce symbole, l’ampleur est tout autre ; c’est beaucoup plus qu’une prise de parole personnelle, mais plutôt des voix unis dans un symbole. C’est le mouvement collectif qui parle. Car militant actif ou non, en portant cette petite pièce de feutre, on fait partie de la chaîne. Cela devient une sorte de code, une reconnaissance entre membre, une entente tacite entre inconnus, unis dans nos convictions.

Plus une fan du No logo, je dois admettre qu'il est décidément plus facile de porter un chandail au brand visible que d’afficher au grand jour ses convictions. Car on l’aura compris, protester est encore aujourd'hui une sorte de tabou. Oser aussi.

Je reste donc convaincue que je fais preuve de courage en portant fièrement mon carré rouge. Preuve du même courage que tous ces étudiants qui vont à l'encontre des décisions prises pour afficher leur couleur. Il est fascinant de voir comment cette touche de rouge devient un uniforme qui nous rassemble, mais aussi de voir à quel point ce banal carré devient source d’une si grande créativité, quand vient le temps d’affronter d’autres organisations en uniforme.
Manifestation étudiante sur la Métropolitaine.
Photo Patrick Sanfaçon, La Presse

Oui, on a déjà vu une collectivité arborer un signe distinctif ou un symbole pour faire avancer une cause, mais elles ont souvent été plus qu’à leur tour utilisées dans des campagnes marketings de toutes sortes, si on prend l’exemple des multiples prétextes pour supporter le cancer du sein. (Notez que je ne lui enlève pas son importance)

Peut-être que le geste d’épingler ce carré est en fait beaucoup plus banal que ce que j’en pense, mais n'êtes-vous pas d'accord que, justement, quand on arborera le carré rouge de la même façon qu’on le fait avec le ruban rose, peut-être aura-t-on perdu l’essence de la cause.

Car ce carré là, lui, représente un terrain encore vierge de toutes ententes commerciales. La seule entente collective prise à son égard est celle de la rage, de la colère, de l'unité ou encore de l’espoir. Un amalgame d’émotions rassemblé sur une superficie d’à peine 4 cm2.

Mais mis bout à bout, difficile d’ignorer plus longtemps la superficie totale de ces petits carrés rouges.

2 commentaires:

  1. Je crois que l'idée originale était diamétralement opposée à celle du branding, mais avec sa récente exhibition à la poitrine de célébrités lors des Jutras, «l'uniforme», passe d'accessoire de contestation à logo branché.

    RépondreSupprimer
  2. Je suis vraiment très touchée et encouragée par la grande force qui vous unit les jeunes. Il faut être fière de vos convictions, vous êtes la relève de ceux et celles qui se sont battus avant vous. Encore une fois, bravo!

    RépondreSupprimer